le chant du berger

Tu vois, petit, aussi loin que porte ton regard, ce que tu vois, c'est ton pays. Tes racines sont ici. Ton père, ton grand-père, son père, ses anciens, tous sont issus de cette terre. Et tous ont porté en eux ce lieu. Ils sont nés ici, ont grandi ici, et même si parfois ils sont morts bien loin de chez eux, ils ont toujours gardé au creux de leur cœur l'amour de leur pays. Tous ont nourri leur regard de cette beauté sauvage et rude. Ils ont porté en eux la force de ces montagnes, ils ont dévalé leurs pentes quand ils étaient enfants, ils se sont assis là où nous sommes, et ont laissé leurs yeux se repaître du paysage.

Ce pays est le tien. Tu as beau habiter la ville, tes racines sont ici. Ces montagnes, tu les emmèneras partout où tes pas te porteront. Parce qu'elles sont ta force. Il faut toujours savoir d'où l'on vient. Sinon, on ne peut pas savoir où l'on va, ni le chemin qu'on a parcouru.

Tu vois, petit, la vie m'a emmené loin, très loin de ce pays. Je me suis perdu dans un monde que je ne connaissais pas, un monde où tout était douleur, terreur et tristesse. J'ai survécu je ne sais trop comment, ni pourquoi... je ne sais qu'une chose. C'est quand mes yeux ont revu ces montagnes que j'ai su que j'étais bel et bien vivant. Ma terre a soigné mon âme, fils. Et si tu vas mal un jour, elle soignera la tienne aussi. Parce que ta force est ici. N'oublie jamais d'où tu viens. Et tu iras loin.

Vois comme ce pays est beau ! Vois comme la Terre est belle ! Regarde, petit. Bois à sa beauté, nourris-toi de sa puissance tranquille. Tu vois que ça valait le coup, de crapahuter jusqu'ici. Ça grimpe dur, mais vois un peu comme tout est calme et paisible ici...
Mon grand-père m'a amené m'assoir sur cette roche, et j'ai amené ton père à mon tour. Et un jour, tu emmèneras ton fils ici. Tu lui raconteras ton pays, tu le feras sien. Tu lui diras qu'il vient d'ici, qu'il a ce pays qui pulse sous la peau, comme ses anciens avant lui. Tu lui enchanteras l'esprit de ses légendes, tu lui raconteras comme tu aimais m'entendre chanter le chant des bergers, comme tu aimais attendre que l'écho renvoie la réponse du versant d'en face, et comme toute la nature chantait à travers nous.

Vois, fils. Et vis.