« Hep ! Taxi !
Taxi ! Taxiiii ! »
Pas de veine ma chère Hélène, il faudra vous faire à l’idée de la marche à pied.
Encore une grève, la révolte gronde.
Je sais, je sais, vous trouvez la chose immonde.
Oserai-je vous suggérer que le sport est bon pour la santé ?
Mon pauvre Hubert, c’est bien à vous de me faire la leçon !
Avec votre bedon et votre double menton !
Suis-je bête aussi, vous sachant si peu dégourdi
D’avoir accepté ce déjeuner sur l’herbe en bord de Marne.
Très chère, pourquoi tant de hargne ?
La campagne a son charme
Et mon ami Edouard sait recevoir
Le voilà justement qui arrive…
Juché sur un vélo, encore un péquenot !
Juste ciel, Hubert, pourquoi vos amis ont-ils tous cet air idiot ?
Encore une après-midi à vau- l’eau !
Et moi qui meurs de chaud !
Allez zou, fais pas ta mijaurée
Et pose-moi ces fesses rondelettes sur ma bicyclette
C’est qu’ si j’ fais taxi l’après-midi
J’ai encore du pain sur la planche
Et à voir la largeur de tes hanches
Je vais ben y passer la soirée.
Et si t’es bien sage, je t’laisserai même prendre un bain
Allez, viens !
C’est ainsi que recrutait Edouard Manet.
Sans le sou pour payer des modèles, il inventa le vélo-taxi avant de peindre « Le déjeuner sur l’herbe »
Observez bien : Hélène fait trempette, Hubert cache son menton dans sa barbichette et son bedon dans sa jaquette, une belle recrue nue à ses côtés .
Edouard, goguenard, observe la scène avec jubilation. Il fera fortune avec son invention !