Un amour singulier.
Il la regardait avec bienveillance. Comme toujours. Parce qu'au fond, il devait bien se l'avouer, il l'aimait. Parfois il avait ce sentiment que c'était depuis toujours. Comme une prédestination. Comme un choix qu'on ne fait pas, qui s'impose, parce que c'est comme ça la vie. Parce que c'est comme ça l'amour. Et puis, si c'était inscrit, c'était peut-être plus simple après tout. Il n'y avait plus qu'à consentir. Et là, le consentement était aisé. Elle était si belle et tellement attirante par ce côté mystérieux qui la caractérisait.
Cependant, elle ne cessait de se cacher à lui. De dissimuler son visage avec ses mains, pour ne pas montrer, parce qu'elle avait honte, parce que ces choses-là, il ne faut en parler à personne. D'ailleurs, qui pourrait comprendre. Il fallait se créer un masque, une attitude, un paravent, c'était si tragique et innommable.
— « Je ne parlerai pas, je ne penserai rien », lui avait-il dit pour la mettre en confiance. Il était sincère, il ne voulait pas la juger. Il ne demandait rien, n'attendait pas de réciprocité, que d'ailleurs elle ne donnait pas. Il n'était même pas certain que son amour soit un amour de désir, et encore moins à un amour de passion, qui conduit inéluctablement jusqu'aux draps d'un lit.
« Je ne penserai rien ». Sa phrase voulait plutôt dire je ne te jugerai pas. Mais il pensait, il avait deviné, et même il savait. Parce que l'amour devine. Elle avait beau se cacher le visage, il voyait à travers ses mains. Il la voyait. Elle.
Il la percevait dans toute sa réalité. Il voyait tout ce en quoi elle ne croyait pas. Pas encore.
Naïvement, il nourrissait l'espoir, pour ne pas dire la prétention de la ramener à la vraie vie, qui s'était échappé d'elle, écoulant les dernières gouttes d'une source tarie.
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