J'ai 16 ans, un mercredi après-midi...

J'ai 16 ans... un mercredi après-midi
J'ai 16 ans et plein de rêves : HEC, ma propre boîte....
J'ai 16 ans et plein de doutes : la fille que j'aime ne se décide pas, elle veut bien jouer au tennis avec moi, elle veut bien passer du temps avec moi mais de là à franchir le pas et à sortir avec moi....
J'ai 16 ans et un agenda plein de devoirs à faire pour la rentrée...cet j'ai pas envie....
Pas envie de me casser la tête sur des devoirs qui ne me rapporteront que des déceptions.
J'ai 16 ans et je vois mes notes dégringoler avec une belle assiduité...
Et avec elles s'envolent tous mes espoirs.

J'ai 16 ans et je rentre du salon des armes anciennes. Papa ne le sait pas mais je lui ai piqué son vieux revolver pour savoir s'il était encore en état de marche... D'après l'exposant du stand 321bis il fonctionne encore.
J'ai 16 ans et je fouille dans un tiroir à la recherche des balles du vieux revolver. Je sais que Papa en a planqué dans son bureau.
J'ai 16 ans et je charge le revolver. Je suis fier de moi, j'y suis arrivé du premier coup. Pour une fois que je fais bien quelque chose.
J'ai 16 ans et je pose la bouche du revolver contre ma tempe. C'est frais, ça apaise le tourbillon de questions qui m'enflamme le cerveau depuis des semaines et des semaines. Tout le monde me répète que je dois profiter de ma jeunesse, qu'elle passe trop vite et qu'après, quand on est grand, on regrette cette époque bénie. C'est beau la jeunesse, mais encore faut-il savoir en profiter...

Et moi je ne sais pas... trop de doutes, trop d'erreurs, trop de manques, trop d'angoisses..
J'ai 16 ans, un mercredi après-midi, et une question me traverse l'esprit : si j'appuie sur la détente qu'est-ce qu'il se passe ?

J'ai 16 ans, et je vole... je suis bien enfin.... On s'agite autour de moi, on crie, on pleure même...
Faut pas pleurer Maman, faut pas... Si tu savais comme je suis bien, sans plus aucun doute, sans plus aucune question... Si tu savais comme c'est bon de ne plus avoir l'impression d'être en permanence placé sur un feu brûlant... Pour la première fois depuis longtemps j'ai froid, et c'est très agréable.....
J'ai 16 ans et je viens de mettre fin à mes jours. Je ne savais pas profiter de ma jeunesse.

Madeleine, si tu savais comme ton texte me bouleverse. Il vient de faire rejaillir en moi un souvenir. Et tout à coup, j'ai l'impression que tu as retranscrit exactement ce qui s'est passé dans la tête d'un copain de collège.
Sauf que ce n'était pas un revolver, mais un fusil de chasse. Il l'avait emprunté à son père. Comme ton personnage, il se posait toutes ces questions, sans vraiment vouloir mourir, juste stopper la course des questions.
Dans l'ambulance qui l'amenait à l'hosto, il criait à sa mère qu'il ne voulait plus mourir.
Il est mort juste avant d'arriver à l'hôpital. Il avait 16 ans lui aussi.
Tu comprends pourquoi ton récit me bouleverse!!!!!!!!!

16 ans ça peut être terrible aussi... brrr frissons...
trop bien écrit

Ce texte, superbement écrit, pose question : pourquoi ? Chagrin d'amour
Des notes en baisse...
Trop de stress, déjà !
Une seule chose à retenir, qui revient dans l'actualité de manière récurrente et qui me fait bondir : ne jamais garder une arme à feu à la maison !
C'est trop simple, me diras-tu, il y a mille façons de se tuer.
Peut-être, mais évitons-en une...
Mais,

Bouleversant !

il n'y a qu'un mot à dire et Nerwen l'a dit.

Moi aussi je suis bouleversée à la lecture ce texte de la description d'un suicide de jeune, bien trop souvent fréquent.

Oui, ce texte est bouleversant parce qu'on imagine qu'il reflète l'état d'esprit des jeunes qui accomplissent le geste fatal...

Merci à tous pour vos commentaires.
Admin, je suis désolée de t'avoir bouleversée à ce point...

Ce qui est frappant chez quelqu'un qui est vraiment suicidaire, c'est la froideur avec laquelle le geste est envisagé et préparé.
Dit autrement, un vrai suicidaire ne se rate jamais. J'aime ce texte parce qu'il rend bien compte de cette froide détermination.
Quant au discours post mortem, il montre à quel point la mort est difficile à dompter. C'est tellement simple de croire à un ailleurs d'où l'on peut parler.