J'écris sur les murs...

Modératrice

Entendons-nous bien ! Je ne suis pas un de ces tagueurs fous qui font fleurir sur les murs — de préférence fraîchement repeints — des signes cabalistiques ou autres hiéroglyphes et que j’assimile à ces chiens qui, au cours de leurs promenades matinales, arrosent consciencieusement d’un jet d’urine, les emplacements-clés de leur territoire afin de signifier à leurs congénères : « Halte, je suis ICI, chez MOI ! ». Je reconnais d’ailleurs à quelques uns, un certain talent.

Je ne suis pas non plus de ces anarchistes purs et durs qui jettent sur les murs des phrases, lapidaires genre : « Mort aux vaches ! » ou plus élaborées telles que « L'humanité ne sera vraiment heureuse que lorsque le dernier des capitalistes aura été pendu avec les tripes du dernier des bureaucrates »

Non ! Ni crétin créatif, ni anar attardé, mon travail ne se situe pas dans le même registre. Je me définirais plutôt comme un poète des murailles, un philosophe des soubassements, une étincelle dans la grisaille…

J’utilise le mot « travail », car, croyez-moi, ce n’est pas tout simple de choisir l’énoncé adéquat, puis, monté sur mon vieux Solex, de sillonner la ville à la recherche de l’emplacement idéal.

Parlons d’abord du libellé, la formule percutante qui va éveiller dans l’esprit du lecteur de hasard, une petite lueur d’intérêt qui, si j’ai de la chance, prendra peu à peu son essor pour devenir une flamme d’ardente réflexion.

Ensuite, le support ! J’affectionne particulièrement les vieux murs, les hangars désaffectés, les parapets décrépis, que je réveille d’un aphorisme bien senti.
Ce matin, par exemple, mes bombes Urban Painters bien calées au fond de la musette, j’ai enfourché mon Solex et, tout pétaradant, je suis parti à la découverte.

Je tiens une phrase parfaite que j’ai relevée dans un livre dont le titre m’a semblé prophétique, «La première chose qu'on regarde »… Je la vois très bien tracée sur une surface métallique, de préférence bien oxydée. Je vais aller voir du côté des quais où des carcasses rouillées traînent encore à l’abandon…

Voilà ! En blanc ce sera parfait ! Je visse le fat cap qui va me donner un trait large et régulier et je trace rapidement avec toute la dextérité qui me caractérise : « La rouille grignote les âmes de ceux qui ne réalisent pas leurs rêves » Je recule de quelques pas pour voir l’effet produit et je quitte rapidement les lieux.

Il ne s’agit pas de s’éterniser ici, les gardes du port veillent jalousement sur leurs vieilleries, Mais, aujourd’hui, j’aime à croire qu’ils liront mon travail et que, peut-être, la petite lueur dont je vous parlais plus haut, s’éveillera…

Kalé'reporter

Alors là, je m'incline très très bas salut bas

Tout y est, une histoire bien ficelée, des connaissances sur certaines expressions artistiques, une façon d'aborder la consigne très originale, une écriture subtile, bref un texte que j'aime infiniment. quel talent !

Kalé'reporter

Façon très habile de traiter la consigne. Tu racontes une histoire et on se laisse emmener avec plaisir. C'est juste très bien fait ! bravo!

Modératrice

"Je me définirais plutôt comme un poète des murailles, un philosophe des soubassements, une étincelle dans la grisaille… "
Superbe définition pour ce poète et belle utilisation de la consigne à partir de la photo.
Pour tout le reste je rejoins Plumentête et Kz quel talent !

**Maîtrise le sujet**

pour moi aussi !

L'idée est belle, et ton personnage est poétique et aventurier, il donne envie de le rencontrer au hasard d'une rue, pour lire ses "oeuvres"

quel talent !

Kalé'reporter

Pourquoi je mort de rire

?

Ton sujet me ramène à ce mur en région parisienne (zone huppée, faut-il préciser !).
Sur un mur, cette inscription "le multidimensionnel est flasque" devait fortement irriter le propriétaire qui s'empressa de faire disparaitre cette phrase irrationnelle (?) par un joli crépi bien lissé. J'imagine la jouissance du tagueur qui, aligna soigneusement sur le mur rénové la même phrase complétée :
"le multidimensionnel est toujours flasque".

Cette parenthèse refermée, j'aime tes références aux poètes des murs : inscriptions ou tags à la signification mystérieuse, ils sont parfois très beaux.
Ce qui fâche, c'est la répétition de graffitis dont la comparaison avec les chiens compissant les bornes est très appropriée .
Et Nerwen : quel talent !

Kalé'reporter

je trouve ce texte très bien construit et le partage de ton oeuvre poétique est plaisant

Invité

On imagine très bien ton poète-tagueur sillonnant les rues sur son Solex ! Mais il est d'un autre temps, n'est ce pas ?

Occupe le terrain

Bravo l’éveillée éveilleuse, scribe d’aphorismes ! Les termes techniques montrent que tu en connais un rayon et on y croit. Excellente, la comparaison avec les chiens qui marquent leur territoire.
crétin créatif ; anar attardé : jolies formules !

Admin

Tu as dû être tagueuse dans ta jeunesse, sinon, tu n'en parlerais pas aussi bien Wink

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