Ainsi va le monde

Nous ne regardons pas la télévision. La télévision nous regarde…

Grand bien lui fasse ! Personnellement, je n'ai rien à cacher, et si comme je l'imagine, elle me trouve beau, alors j'en suis fort aise. Notre première rencontre remonte très exactement au 1er juin 1960. Elle était jeune encore, j'émergeais à peine de l'enfance et ce jour-là, dans ce bistrot où ils déjeunaient, les candidats au CEP s'extasiaient devant cette merveille lucarne.

L'année suivante, je devins un intime de la télé par la grâce de mes nouveaux employeurs qui possédaient cet incomparable outil. J'attendais avec impatience la séquence du spectateur qui partageait notre déjeuner. Un soir, la télé donnait ''Les Perses'' de Jean Prat, le 31 octobre 1961 selon Wiki. François Chaumette était le coryphée. Nul besoin du Web pour me souvenir d'une donnée essentielle : diffusion simultanée avec la radio. Plus tard, il y aura Othello avec Jean Topart dans le rôle du méchant Iago.

Plus tard, beaucoup plus tard, il y aura Laura et ''la petite maison dans la prairie'' aux multiples rediffusions. Puis-je l'avouer ? Je revois ici et là des épisodes avec un plaisir sans cesse renouvelé. Un aveu en amène un autre : nous sommes parmi les spectateurs assidus de ''Plus belle la vie''...

Et il y eut celui, en 1971, qui s'exclama avant de quitter le plateau « Messieurs les censeurs, bonsoir !!! » C'était Maurice Clavel. Je me souviens aussi d'un Valéry qui affirmait à son contradicteur : ''Vous n'avez pas le monopole du cœur'', sans doute en 1974. Et ce Jean-Paul en visite en France suivi par la télé comme le Messie ? Aujourd'hui, si j'en crois ma télé, il est totalement éclipsé par un François (pas celui qui se proclame normal)... Ainsi va le monde : aujourd'hui, on vous porte au pinacle, demain, vous serez aux abonnés absents !

Bref, la télé me regarde et ma mémoire est encombrée de ceci et cela vus sur le grand écran. Oui, parce qu'aujourd'hui, vous allumez la télé et vous vous croyez au cinéma. D'ailleurs, le ciné, pour notre part, on n'y use plus les fauteuils par notre présence prolongée. Et tenez au moment où j'écris ces lignes, ma moitié est absorbée par une bluette de la 6. A moins qu'elle ne pique un fameux roupillon parce que la télé est aussi un excellent soporifique...

Là où j'aime moins ma télé, c'est quand elle me serine à longueur d'antenne :
- Normal, c'est normal, si on vit plus vieux, faut travailler plus longtemps. Et puis, vous savez, il n'y a pas d'autre alternative, vous devez vous serrer la ceinture, cracher au bassinet, moins bien vous soigner. Les quinze millions du Jérôme ? Non, non, ce serait incorrect de lui demander d'en donner un peu au titre de la solidarité...

Et ces images de violence en boucle qui porteraient à croire qu'à pointer votre nez dehors, vous risquez l'assassinat, l'enlèvement, le viol, ou je ne sais quoi encore.

Alors, les soi-disant experts et autres spécialistes grassement appointés pour débiter des fadaises, s'il n'y avait l'écran entre eux et moi, je leur filerais des baffes. Prosaïque, je me contente de leur dire ''cause toujours, mon lapin !''

Qu'elle continue à me regarder, cela m'est égal parce qu'elle ne m'emmènera pas là où je ne veux pas aller... Et si elle m'agace, d'une chiquenaude, je lui coupe le sifflet et comme j'ai pu lire par ailleurs, au réveil, je donne la parole au William de Télématin.

Ben, alors, sans état d'âme, je dis « Vive la Télé » !!!