La nuit allait tomber quand le perroquet se mit à s’agiter.
« Crâuake, crauake » ( prononcez « Krak ! Krak ! »)
“ Toi, la ferme ! “ lui intima AjaX d’un ton sans réplique.
Le perroquet se tut, impressionné.
D’habitude, on le suppliait de dire quelques mots.
Ce n’était vraiment pas le moment !
L’avion de « Ryonsenlair » (mais peut-on qualifier d’avions ces engins low-cost qui vous envoient en l’air pour 1 Franc, 2 sous ?) venait à peine de décoller de l’aéroport de Bruxelles – South. ( prononcez « Sawtzzzz »), aéroport délocalisé au sein de la Wallonie profonde à Charleroi.
Charleroi ( hurlez « Noooon,nooon, tout mais pas ça » !)…
Charleroi qui n’a de royal que le nom !
Au Moyen-Âge, on l’eut plutôt qualifiée de coupe-gorges, de Cité de la peur…
De nos jours, les maffieux y « dealent » ( prononcez « diiil »)
Et ils ont l’aéroport, coup de génie d’un Irlandais téméraire et esclavagiste ( d’après son personnel) !
Aja X qui n’en avait pas les moyens, n’était pas assis dans un des sièges trop petits, rangés dans un espace tellement étroit qu’un nain ne peut y étendre ses jambes.
Aja X voyageait dans la cale.
Petit-neveu d’Ajatashatu Lavash Potel ( prononcez « Touche à tout la vache bordel ») qui lui avait longuement raconté son extraordinaire voyage dans une armoire Ikea, il avait opté pour une malle en osier tressée de solides lanières de cuir appartenant à Cédille de Transe.
Grande amie de Sophie Morceaux ( ben voui, la copine d’Aja-Lash-Potel), elle était cependant d’un naturel radin.
Après une visite dans sa famille belge, elle avait choisi « Ryonsenlair » pour regagner Carcassonne pour un tournage.
Aja X, dûment édifié par le périple de son grand-oncle, l’avait tout de suite repérée dans le hall étouffant de l’aéroport.
Cédille, tout sourire y signait des autographes au milieu d’une foule de djellabas en délire.
Ni vu, ni connu, leste, petit et mince, il se glissa prestement dans la malle son sac Ikéa dans les bras. Après tout, il n’avait que 16 ans !
Ce qu’il ignorait, c’est que la malle était dotée d’un double, non, d’un triple fond. ( Méfiante, la Cédille !)
Tout au fond du dernier fond, un perroquet vert au bec orange. Hi-deux !
Ce volatile répondait apparemment au doux nom de Marcel, ce qu’il clamait haut et fort.
Fort heureusement, à cet instant, les haut-parleurs débitèrent un flot de paroles en langue arabe.
Personne n’entendit Marcel.
« Allah est grand. » se dit Aja X reconnaissant.
Aja X et Marcel, après quelques tourniquets en compagnie d’autres bagages (si, si, certains paient le supplément !) furent jetés sans ménagement dans la cale du Grand-Oiseau-qui-vous-emmène-voir-la-Mer.
A l’arrivée à Carcassonne, Cédille récupéra sa malle et Marcel.
Aja X se faufila en vitesse vers la célébrissime Galerie de la Citadelle.
Et y déposa fièrement son sac Ikéa contenant des pots à 1 Euro, en provenance du magasin de Gosselies, à côté de l’aéroport.
Peinturlurés, acidulés,fleurisés, les touristes allaient se les arracher !
Aja X, son bénéfice empoché, décida de changer de vie.
La prochaine fois, il prendrait le bateau.
Le Grand air du large lui manquait !
C’est loin, la Suède !
NB Texte inspiré par le livre de Romain Puértolas : « L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa » Ed. La Dilettante