15 juillet 1962, quelque part en mer
Akram mon ami,
Je t’écris à la va-vite du pont d’un bateau qui m’amène loin d’Alger. Mon père pleure, ma mère prie, et moi j’en veux au monde entier. Cette terre était la mienne, comme elle est la tienne. On était frères de cœur, nés au même endroit. Mais mes parents ne sont pas les tiens, et c’est pour ça qu’on nous chasse.
Toi Akram, mon frère, j’ai peur de ne plus jamais te revoir. Mes voisins, tes voisins, ont pris notre maison, nos terres, ils ont dit qu’on était plus d’ici, qu’on était des étrangers.
Mais moi Akramn, je suis né sur cette terre. Je ne connais qu’elle. Tu le sais toi, que je suis né Algérien, comme toi, que mon pays c’est le tien. Dis leur Akram, dis à ton père, à tes oncles, à tes voisins, qu’on était aussi chez nous, qu’on a jamais fait de mal à personne. Dis leur que De Gaulle, je sais même pas qui c’est. Que je m’en fou de la France, que je veux juste rentrer chez moi, avec ma mère, et mon père, et recommencer comme avant.
Demain, on débarque à Marseille. Il paraît que c’est une grande ville où on retrouvera de la famille.
Mais ma famille c’est toi Akram, mon frère.
Je suis presque un homme et je pleure comme un gosse. Qu’est-ce que je vais devenir ? Sans mon frère de cœur, sans le soleil de Zeralda et ses plages qui m’ont vu grandir ? Il ne me reste qu’une poignée de sable dans la poche.
Akram mon ami, je t’enverrai dès que possible une adresse où m’écrire. Et si Dieu le veut, je reprendrai un jour le bateau du retour et tu m’attendras sur le quai d’Alger.
Ton ami
Hamin