Ombre et lumière : mille et une façons d'en concevoir la représentation …
Signification littérale du terme , par exemple.
Il y a plusieurs dizaines d'années, les dames du monde se devaient de maintenir à l'ombre la partie de leur anatomie visible aux yeux inquisiteurs. Ainsi, elles déambulaient au soleil , protégeant bras et visages de la pigmentation du soleil : le bronzage était réservé au bas peuple.
Sur le pré, au milieu du foin coupé, faneuses et faneurs se hâtaient d'avancer sous le soleil cuisant vers l'ombre bienfaisante du grand chêne où les attendait l'eau fraiche qu'ils laperaient directement dans l'onde du ruisseau comme les bovins du pacage voisin . Pas plus que les bestiaux, ils ne se soucieraient des méfaits de l'astre solaire qui leur tannerait la peau donnant à celle-ci, sur les parties apparentes, un bel aspect cuivré.
D'ombre et lumière, chacun avait sa part : peau blanche nimbée de lumière des belles dames acquise sous l'ombrelle, « couenne » colorée des paysans qu'envieraient aujourd'hui bien des citadins.
En guise d'ombre, il y avait pour le paysan, la pénombre de la cave au fond de laquelle le contenu d'un tonneau fut-il de vin aigrelet avait au fond du verre couleur et goût de nectar en ces jours d'impitoyable canicule...
En ce temps-là, quand la nuit s'installait, il ne suffisait pas d'actionner un interrupteur pour voir surgir les moindres contours et obstacles de la modeste demeure du paysan. Lampes à pétrole, carbure, bougies et autres lumignons étaient chichement réservés à la pièce principale.
Jeannette, mon ainée de dix-huit ans se souvient de l'époque où l'on devait se dévêtir à tâtons dans la chambre obscure et la pièce à vivre – la cuisine - bénéficiait de la chaleur de l'âtre qui diffusait une lumière aux ombres gigantesques . Peut-être était-ce poétique ? La grande sœur se souvient plutôt de l'inconfort .
Quand enfin, le progrès atteignait enfin notre village, allumer, éteindre la lumière était un plaisir dont ne se lassaient pas les enfants . Nul doute que le mot lumière équivalait au mot miracle . De surcroît tangible qu'on pouvait vérifier à tout instant.
Cependant, la lumière, réservée aux habitations , laissait dans l'ombre , abords et voies du village, obligeant les villageois se rendant en veillée à avoir des yeux de chat.
Ainsi, avant qu'elle ne soit proférée , cette phrase « " Chacun a sa part d'ombre, la lumière ne peut pas être toujours là ", était , on ne peut plus appropriée.