"Ce n'est pas parce que j'ai peur de l'enfer que je suis gentille" dit-elle en l'embrassant.
Pour craindre l'enfer, il faudrait souhaiter le paradis. Elle ne croit ni en l'un ni en l'autre. Elle n'est pas de ces bigottes qui viennent chaque jour s'agenouiller devant l'autel et supplient la vierge Marie portant l'enfant pour que, le moment de leur trépas venu, celle-ci glisse quelques mots du fond de ses ténèbres, à son fils qu'elles vénèrent.
"Sainte Marie, mère de Dieu, j'ai si peu pèché, je suis venue chaque jour te prier, j'ai fait mien les dix commandements pour que ton fils m'accueille en son paradis, je ne mérite pas l'enfer".
Elle, elle ne prie pas, ni ne supplie. Elle ne vit pas avec cet espoir fou qu'un Dieu tout puissant se tient aux commandes d'un jugement dernier, qu'il comptabilise les pains bénis, les prières du coucher et les chapelets égrénés.
Elle est entrée dans la chapelle par désespoir. Elle s'est réfugiée sur ce banc pour y trouver le silence et le vide, ceux-là même qui déchirent ses entrailles.
A présent, elle s'approche de cette sainte au visage lisse et sans âge, portant dans ses bras un enfant dodu au regard d'ange.
"Ce n'est pas parce que j'ai peur de l'enfer que je suis gentille" dit elle en embrassant le front de l'enfant.
Dans un dernier geste de folie, elle tente d'arracher le nouveau-né des bras de sa mère statufiée. Elle hurle à présent.
"Rends-moi mon fils, mes seins sont lourds du lait qu'il recclame, rends-le moi que je le berce, que je l'innonde de caresses, que je le remplisse d'amour.
Sa voix se brise dans un cri déchirant.
Elle s'agenouille enfin puis se couche, à même le sol, plaquant ses mains sur ses oreilles, pour faire taire sa douleur, dans un gémissement à peine humain.
La raison emporte la mère...
Ce matin même, la mort a emporté son nouveau-né.