Contente que ma proposition de consigne ait plu à bon nombre d'entre vous. J'ai lu de beaux textes et prendrai le temps d'y mettre un commentaire. Ci dessous mon texte qui reprend les conditions dans lesquelles j'ai pris la photo.
Fête du Kasada
Seuls le vent et le sable savaient où ils allaient, alourdis de leurs gros sacs jetés en travers des épaules, genoux pliés, dévalant la pente du volcan en de grandes enjambées, leurs talons mordant profondément le sable pour conserver leur équilibre.
Seuls le vent et le sable savaient où ils allaient et s’en amusaient. La cendre volcanique soulevée par leurs pas était repris par son ami le vent, en de mini tornades, enveloppant ces hommes, les obligeant à se protéger les yeux et la bouche.
Seuls le vent et le sable savaient où ils allaient, indifférents à la cohorte des pèlerins montant la pente chargés d’offrandes, indifférents aux touristes tout étonnés d’une telle foule et d’une telle agitation, indifférents au photographe amateur qui dans une soudaine impulsion les a saisis sur sa pellicule, silhouettes fantomatiques.
Seuls le vent et le sable connaissaient les dessous de l’étrange cérémonial se déroulant sur la crête du volcan.
D’un coté, les pèlerins massés au bord du cratère priant et y jetant leurs offrandes : poireaux, bananes, épis de mais, galettes de riz, poules, piécettes d’argent…
En dessous d’eux, dans les entrailles même du volcan, une dizaine d’hommes, épuisettes en main, rattrapant au vol les offrandes, fouillant la cendre à la recherche d’une pièce, se précipitant pour récupérer une poule glissant sur la pente, proche de tomber dans l’eau bouillonnante tapie au fond du cratère.
Seuls le vent et le sable savaient qui étaient ces hommes. Les pèlerins et les ramasseurs d’offrandes. Même physique, même vêtements, aucun des deux clans ne semblant plus riche ou mieux habillé que l’autre.
Seuls le vent et le sable savaient pourquoi les pèlerins s’obstinaient à jeter leurs offrandes sous le nez des épuisettes au lieu de s’éloigner plus loin.
Seuls le vent et le sable regardaient avec bienveillance ces hommes remplissant leurs gros sacs de jute des offrandes soustraites au volcan.
Seuls le vent et le sable auraient pu expliquer tout cela mais ils n’ont pas voulu, laissant les touristes perplexes et déroutés, avec au fond du cœur un sentiment de malaise.