« Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l’heure passé… »
— Jack ? J’ai peur…
— Et de quoi, Grand Diable, peux-tu avoir peur ?
— On dirait une ville fantôme…
— Mais C’EST une ville fantôme ! Une ville fantôme, peuplée de fantômes et toi-même la 25ème Heure, tu es un fantôme. Le fantôme d’une heure qui n’existe pas… Une heure dont on parle, sur laquelle on écrit et on fait des films, mais tu n’existes pas !
— Arrête, tu me démoralises…
— Sauf… sauf le soir d’Halloween où tout peut exister. Au moins dans l’imagination de quelques…
— Fous ?
— Mes compatriotes préfèrent utiliser le mot « lunatics » Ils font référence aux effets dérangeants de la lune sur un esprit raisonnable…
— Ne me parle pas de la lune, regarde-la, avec sa face blafarde elle me donne la chair de poule…
— C’est tout à fait de circonstance, ma chère.
— Et toutes ces ombres qui nous frôlent…
— Des fantômes !
— Et ces squelettes tintinnabulants ?
— Des revenants !
— Et ces êtres livides qui nous épient de leurs yeux sanguinolents ?
— Des spectres!
— Mais toi, Jack, tu n’es pas un fantôme ?
— Oh, moi ! C’est tout comme ! Condamné à errer éternellement en cherchant mon chemin dans la nuit… Ce n’est pas un sort bien enviable.
— Au moins tu as une apparence réelle…
Mais qu’est-ce que l’apparence ? L’autre, là-bas, l’a très bien dit : « Être ou ne pas être, là est la question… »
— Tu as une lanterne pour te guider…
— Ridicule, un navet évidé à l’heure des lampes à pétrole !
— Ah ! Ah ! Tu retardes, c’est maintenant le règne de la lampe de poche à LED, compacte, toujours prête, rechargeable, économique, puissante…
— Comment sais-tu tout ça ?
— J’ai fait « heure supplémentaire » chez un électricien…
— Et bien, l’année prochaine, je compte sur toi pour m’en apporter une, je commence à en avoir ma claque de cette lanterne qui s’éteint au moindre vent coulis… Tiens ! Qu’est-ce que je disais ? Encore éteinte ! Par le diable cornu…
—Tais-toi ! Une rencontre ne t’a pas suffit ?
— Oh, tu sais le pauvre diable, sa réputation est bien surfaite…
— N’empêche que c’est grâce à lui— à cause de lui, veux-je dire — que tu te retrouves dans cette situation… Attends-moi là, je vais chercher du feu pour ta lanterne.
……………
— Voilà ! J’ai eu du mal ! Avec ces mesures anti tabac, les allumettes et autres briquets se font rares dans les poches des quidams.
— Merci, je vais pouvoir poursuivre mon chemin.
— Je peux venir avec toi ?
— Si tu veux, mais le jour ne va pas tarder à se lever et nous allons tous disparaître… Jusqu’au prochain Halloween où quelques êtres doués d’imagination nous feront revenir…
— Tu es sûr ?
— N’aies pas peur ! Tant qu’ils croiront en nous, nous existerons…
— Il y a quand même une question qui me trotte dans la tête : l’année prochaine, crois-tu qu’il y aura encore assez de "lunatics" pour nous faire revenir ?"
"Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles."(Verlaine)