La librairie L. existait depuis toujours !
Dame Lecture, racontait les histoires du temps jadis, et Demoiselle Écriture noircissait de pleins et de déliés graciles son grand cahier d'écolière...
J'avais sept ou huit ans, ma mère m'emmenait à la librairie L. LA LIBRAIRIE ... J'étais très impressionnée par ce lieu emprunt d'austérité et de sérieux. Je revois Mr L. derrière son comptoir, en maître de cérémonie, solennel, intimidant… et tous ces livres, partout, tout autour de moi, tous plus beaux les uns que les autres... C'était merveilleux et fascinant pour la gamine que j'étais…
… quelques années plus tard ...
J'avais seize ans, je courais comme une folle à l'autre bout de la ville, à la bibliothèque municipale… mais, mais… je reprenais toujours mon souffle, un instant, devant « L. »
Dame Lecture, de sa voix claire et Demoiselle Écriture, complice, m'invitaient à entrer.
À chaque fois le rêve éveillé, l'île au trésor, le pays des merveilles. Je déambulais dans les allées, je furetais, je découvrais, j'étais libraire, j'étais heureuse !
Je me souviens : Dame Lecture récite Prévert et Demoiselle Écriture s'essaie à de nouveaux abécédaires, la plume alerte...
Mes revenus financiers d'adolescente m'interdisaient tout achat important mais me permettaient néanmoins un « poche » de temps en temps … et « L. » venait d'ouvrir un département « petit format ».
C'est de cette époque que je garde un amour immodéré pour le livre de poche, compagnon idéal en toute circonstance, il trouve immédiatement sa place dans le sac, la valise, le cartable… dans la poche, toujours prêt !
...les années ont passé …
Dame Lecture, les lunettes sur le bout du nez, lit son testament d'une voix chevrotante. Demoiselle Écriture, les doigts tachés d'encre, n'a plus la main si sûre. Les pleins se vident, les déliés s'empâtent et l'encrier n'est plus de mise.
Le Savoir s'est enfui. Mon savoir s'endeuille...
La librairie L. n'existe plus. Depuis quelques jours elle a fermé ses portes.