« Cette fois, on ne m’y reprendra plus » jura la petite fille à robe rouge . Je prendrai dorénavant un autre chemin pour me rendre chez mère grand . »
La forêt, les buissons et les bois sont des nids à braconniers malveillants et de chiens dressés pour être méchants .Ils guettent avec des jumelles, dans un arbre , perchés, les fillettes aux pommettes rouges qui tombent et succombent comme des mouches prises dans le piège de ces sales grosses pattes.
Quand l’innocence et la naïveté se perdent en chemin, reste la peur tenace, la mauvaise conscience qui envoie la victime sur le banc des coupables.
Et c’en est fini pour toujours de l’enfance.
Impossible désormais de prononcer des mots d’amour, des mots tout court à qui que ce soit…
Car ces petites filles transportent partout en silence la trace du sang qui a perforé leur âge tendre.
Elles sont enfermées pendant des jours, des mois , des années qui n’en finissent pas à se demander le pourquoi du comment cela est arrivé.
« Que cela te serve de leçon » a dit le Papa.
Il a fallu jurer d’être moins bête, plus futée la prochaine fois.
Alors pourquoi ne pas emprunter une autre voie, celle des chemins de fer qui mène à la gare pour aller voir mère grand, se dit-elle. J’ai hâte de monter dans un train… mais lequel choisir il y en a tant , de toutes les couleurs et de toutes les vitesses qu’entre les rouges qui trottinent en avant, les verts qui galopent en arrière et les et blancs et les bleus qui vont au pas de travers , ma raison balance…
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le bleu parce que bleu comme le ciel qui flotte entre les nuages en Provence.mais les portes et les fenêtres sont fermées.
Pas question de prendre le train vert aux wagons remplis de jeunes loups hurlant à la grande gueule gourmande.( je n’oublie pas le« Que cela te serve de leçon » de Papa)
Quant au train blanc , il affiche une destination inconnue par de voies buissonnières…L’aventure, c’est pour quand je serai grande.
Je choisis donc le rouge parce que rouge comme ma robe que j’ai reçu de grand-mère, rouge comme les pots de confiture que je lui apporte et qu’elle aime tant, rouge comme le nez de Papa quand il boit du vin et rigole comme un fou, rouge comme le sang qui coule en moi et crie vengeance.
Grand-mère m’attendait sur le quai de la gare, elle m’a prise dans ses bras.
Je lui ai dit : « Oh grand-mère comme tu as de grands bras ! »
Elle a répondu : » C’est pour mieux t’aimer mon enfant »
Alors j’ai pleuré très fort dans ses grands bras.