Je sais, tu sais...

Tu le sais, je sais...

Tu en as pris plein la gueule ailleurs.
Tu es traumatisé.
Tu n'arrives pas à rester seul dans une pièce.
Tu as peur du noir.
Tu sursautes à la moindre porte qui claque.
Tu as une démarche chaotique, séquelle de cet ailleurs que tu as fui tant bien que mal.
Tu es parti dans l'urgence, sans rien, ou presque.
Quelques papiers, pauvres témoins de ton calvaire.
La peur au ventre, un espoir chancelant auquel tu te cramponnais désespérément.
La nuit, le froid, la solitude au milieu de la foule immense, la faim, la fatigue incessante sont devenus tes fidèles compagnons.
Tu as franchi des frontières dans des conditions dantesques. Lorsque tu as vu flotter le drapeau tricolore tu as poussé un petit soupir de soulagement.
Tu pensais avoir fait le plus dur.
C'est vrai, avec ce que contenait ton maigre baluchon on allait te les donner ces papiers te permettant de t'installer dans un pays démocratique et libre.
C'est vrai, le pays des droits de l'homme ne pouvait pas te chasser à son tour.
Et puis tu as monté un dossier, long, lourd, compliqué.
Tu as vu aussi ce monsieur très bien avec qui tu as parlé. Un psychologue... qui a diagnostiqué un stress post traumatique.
Un papier supplémentaire dans ton dossier.
La porte vers la régularisation.

Tu as déposé ton dossier. Et tu as attendu...
C'est long l'attente, surtout quand on a le droit de rien : pas le droit de travailler, pas le droit de se louer un logement... pas d'argent bien sûr....
C'est long des journées entières dans une chambre de foyer d'accueil
C'est long l'attente dans un pays inconnu dont on ne maîtrise pas la langue et dont on attend tant...

Un jour une lettre est arrivée.
La réponse.
Un refus.

Certes, tu peux déposer un recours.
Un autre dossier, long, lourd, compliqué.
Une autre attente.
Et lentement, insidieusement, le retour de tes fidèles compagnons, la peur, la solitude au milieu de la foule immense, la faim, la fatigue incessante...

Et pourtant ton dossier... il est … bétonné, inattaquable...
Mais c'est ainsi, au pays des droits de l'homme, avant de t'accepter, il te faut passer sous les fourches caudines.

Je sais tout ça, tu sais.
Je le sais.
Tu n'es pas le premier que je rencontre.
Tu n'es pas le dernier non plus, je le sais.
Mais je n'y peux rien, à chaque fois ça me tord les tripes, à chaque fois ça me donne envie de hurler et de vomir de dégoût.
Je sais, je sais...

L'indignation est renforcée par la maîtrise du style du texte qui se garde bien d'être agressif.

merci je viens d'apprendre une nouvelle expression "passer sous les fourches caudines"

merci et merci pour la sensibilité de ce parcours difficile conté

Ah bon ? Il n'y aurait pas que des charters remplis de touristes ? On m'aurait menti ?

ESCANDELIA a écrit:

Ah bon ? Il n'y aurait pas que des charters remplis de touristes ? On m'aurait menti ?

ok escandélia...
bien sûr que toutes indignations traitées seront toujours un brin politisées, puisque tout est politique dans la vie.

mais je pense que tout le monde s'est expliqué hier et que là on peut réussir à maintenant lire TOUS les textes, sans censure, et avec un esprit ouvert
Ici on peut reconnaitre que ce texte a été écrit tout en émotions et c'est le principal , non ?

Merci de vos commentaires.
Un peu d'étymologie: politique vient du grec politikos, adjectif formé sur le nom commun polis qui veut dire la cité. Donc politique étymologiquement signifie qui touche à la vie de la cité.
Donc tout est politique.
Après on peut être politique sans faire des attaques directes et je crois que c'est ce que demandait Admin.
Maintenant est-il vraiment "utile" de se bouffer le nez sur un point de détail aussi infime?
Après du grec un peu de latin: "Carpe diem" (profite du jour présent) disait Horace.Alors profitons de Kalé et laissons nos humeurs batailleuses au vestiaire.
Bonne journée à tous.

Mad, ton com me comble d'aise et j'y souscris entièrement.

Il est bon que tu donnes leur véritable sens aux mots.

Pour ma part, ce qui n'est pas utile, c'est la polémique stérile sur la politique entendue dans le sens politicien, c'est à dire prendre parti pour telle ou telle gouvernance. D'autant que je n'ai pas l'impression que l'alternance n'est pas forcément synonyme de différences fondamentale, mais ceci n'est qu'un point de vue...

Il n'est pas sérieux, à mon sens, mais cela n'engage que moi de demander à un ou l'autre intervenant d'affadir son texte dans la mesure où le sujet incriminé ne met pas en cause nommément des personnes.

Et je crois qu'il s'agit cette semaine de s'indigner selon son ressenti et sa propre façon d'exprimer ses émotions, ses colères...

Et nous savons toutes et tous qu'elles sont différentes de l'un, l'une à l'autre et que cette diversité fait la richesse de notre forum...

Quant à ton texte, il est sublime et chacun de nous devrait s'indigner du sort réservé à nos semblables . Si dans nos campagnes, nous ne voyons pas de visu ces gens ainsi rejetés, il n'en demeure pas moins que nous ne saurions jouer à l'autruche...

Pour ton texte

Très beau texte dont la forme accentue le long parcours des demandeurs d'asile...
Tout à fait d'accord avec ton éclairage du mot politique

Merci Catsoniou et Nerwen.

J'ai beaucoup apprécié ce texte qui traite d'un sujet très douloureux pour ceux qui en sont l'objet: les demandeurs d'asile.
Mais perso j'en connais dont le dossier n'a pas été rejeté et qui ont trouvé logement travail , ont appri la deuxième langue du pays et se sont intégrés. A ceux là je tire mon chapaeu car ce n'est jamais de gaieté de coeur que l'on quitte tout (son pays, sa famille) avec rien pour tout bagage pour tenter de trouver un meilleur ailleurs.

J'approuve le commentaire de kz...
Texte très doux et si dur à la fois...

Charlotte a écrit:

J'ai beaucoup apprécié ce texte qui traite d'un sujet très douloureux pour ceux qui en sont l'objet: les demandeurs d'asile.
Mais perso j'en connais dont le dossier n'a pas été rejeté et qui ont trouvé logement travail , ont appri la deuxième langue du pays et se sont intégrés. A ceux là je tire mon chapaeu car ce n'est jamais de gaieté de coeur que l'on quitte tout (son pays, sa famille) avec rien pour tout bagage pour tenter de trouver un meilleur ailleurs.

Je n'ai jamais dit ou sous entendu que les demandeurs d'asile subissant ce que j'ai décrit dans mon texte ne s'intégraient pas... J'ai juste dit qu'on ne leur facilitait pas les choses.
Merci Sol-eille.

J'aurais aimé écrire ce texte, j'aurais été fière de le faire.
Merci Mad

Merci Admin, ton commentaire me touche énormément!