En prenant rendez-vous ce matin chez mon coiffeur habituel ( un Asiatique exotique, exilé du Cambodge pour raisons politiques à Paris d’abord, à Bruxelles ensuite grâce à une célèbre chaîne de salons des Anges ) que tout le monde appelle Mod – je ne sais pas du tout pourquoi- je ne me doutais pas que j’allais vivre les affres de l’attente, moi qui déjà ne suis pas du tout patiente et qui toise donc d’un regard mauvais, les nanas ( toujours jeunes si pas jolies et d’une minceur de liane, ce qui a le don de m’énerver davantage que leur âge) que Mod accepte à chaque coup en douce entre deux rendez-vous en virevoltant de l’une à l’autre sans perdre le sourire qui me fait défaut, surtout que la nouvelle - et encore étudiante- préposée au shampoing commence par m’arroser jusqu'au cou d’un jet brûlant, suivi ( après mes protestations) d’une eau glacée, et qu’après cela, elle tente en s’y reprenant à trois fois de nouer la serviette sur ma tête dans une lamentable tentative de me transformer en femme Touareg et comme l’ensemble ne tient pas, elle appelle Mod à la rescousse qui s’empresse de m’enlever tout ça et va enfin s’occuper de moi, ce qui n’est qu’une douce illusion car il me dit « J’arrive tout de suite » et m’abandonne pour répondre à ce maudit téléphone qui sonne toujours quand je suis là et pressée en plus, car mon avion, c’est certain, lui n’attendra pas que Mod soit disposé à venir me coiffer à moins que je ne me mette à hurler, ce que je suis sur le point de faire quand finalement il raccroche et s’approche ciseaux à la main pour me faire une coupe dont il a le secret- c’est bien pour cela que je lui suis fidèle- et hop, un coup par ci, il effile plus bas, avance, recule, tournicote autour de moi ( j’adore ça ! ) tout en ne quittant pas le miroir du regard et quand il a terminé, ne voilà-t-il pas qu’au lieu de sécher, il vire à droite et disparaît de ma vue, je l’entends mais ne le vois plus ( le salon est ainsi conçu, ils l’ont fait exprès, ma parole !)mais je sais qu’il est passé à l’autre cliente , le temps d’un coup de peigne vite fait pendant que moi, impuissante, cheveux mouillés, je ne peux plus bouger et seulement attendre qu’il condescende à revenir à moi et achever sa belle œuvre, ce qu’il ne manque pas de faire en me faisant un brushing du tonnerre mais je jure que la prochaine fois j’emmènerai avec moi la collection complète de l’Encyclopedia Britannica.