Iosif Ilarionovitch Krapov
33, rue des Minimes
35000 Rennes
Zoya Ilarionovna Sniégourotchka
Beach Plaza Hôtel
Marigot,
97150 St Martin (FWI)
Rennes, le 7 avril 2010
Ma chère sœur jumelle adorée (à dorer)
Pendant que tu te fais rôtir les fesses au soleil des Antilles avec ton petit mari d’amour, je t’écris pour t’annoncer que le printemps est enfin de retour chez nous. J’ai ressorti mon blouson gris léger pour aller turbiner à l’autre bout de la ville. Mon blog est bien triste sans tes commentaires et le tien terriblement ennuyeux sans les miens ! Heureusement, mon imagination galope toujours autant et j’ai proposé hier aux ami(e)s de mon atelier d’écriture « en vrai » de jouer au jeu des textes de cent mots qui nous amusa tant avant votre départ. Voici ma copie qui, je l’espère, te fera rire encore. J’ai remarqué, après coup, que les titres choisis pourraient très bien s’appliquer à vos occupations actuelles de vacanciers privilégiés : faire la sieste , voyager en ballon, chanter sous la pluie, trouver chaussure à son pied, se disputer, faire rire… J’imagine que vous faites aussi plein d’autres choses plus drôles encore !
Faire la sieste
Dans notre usine, c’est la crise. Hier on s’est mises en grève pour que nos salaires soient augmentés. Du coup le patron est venu pleurer dans nos jupes. C’est soi-disant la faute d’Allègre si le réchauffement climatique n’est plus ce qu’il était. Depuis 2007, avec ce slogan crétin, « travailler plus pour gagner plus » les gens ont plus l’esprit à se défoncer l’oignon pour gagner du pognon qu’à se prélasser dans leur jardin le samedi. C’est de notre faute ! Fallait pas voter Sarkozy ! Dans notre usine de hamacs et de rocking-chairs, c’est la crise.
Voyager en ballon
On était tellement défoncés, le soir de l’apéro géant à Rennes que Lucien et moi avons annoncé à l’assemblée qu’on allait s’envoler ! Pour que les 4000 personnes rassemblées là nous croient, on a grimpé sur le toit du bâtiment du parking souterrain. Une fois là-haut, on ne savait plus pourquoi on était montés. Alors, avec sa bouteille en guise de guitare, Lucien a entamé un solo façon Led Zeppelin. Il a traité les types en bleu de Mongols fiers. Ils n’ont pas aimé. Ils nous ont fait souffler dans le ballon et nous y ont emmenés.
Chanter sous la pluie
La mémoire est drôlement sélective. Il faut dire qu’avec le temps on empile, on amasse, on en a des mille, des masses, des piles. La seule chose qui dépasse, ce sont des images cocasses. Il faudrait presque dresser la psychanalyste des premières images qui surgissent à l’évocation d’un titre de film. Fellini Roma, le défilé de mode ecclésiastique. Mary Poppins, la danse des ramoneurs sur les toits. Et pourquoi pas le cheval qui sort du manège ? Et pourquoi Gene Kelly faisant des claquettes dans «Chantons sous la pluie» plutôt que… plutôt que quoi d’ailleurs ?
Trouver chaussure à son pied
Dans le jeu du portrait chinois on ne pose jamais la question «si j’étais une chaussure…». Pourtant je sais que je ne serais pas une paire de bottes de sept lieues. Trop casanier. Je ne serais pas des talons aiguilles : jamais très élégant, plutôt discret et efficace, sobre. Une paire de baskets me ressemblerait plus mais les résultats du Stade rennais m’indiffèrent et je ne suis pas trop coureur. Je suis trop intello pour des pantoufles et pas assez pour des souliers de ville. Finalement, je serais très bien en godasses de marche !
Se disputer
Marions la carpe et le lapin. Il ne faut pas croire qu’elle gardera le silence longtemps devant ses infidélités. Bientôt des noms d’oiseaux seront lancés d’un bout à l’autre de la table, de l’aquarium au clapier.
- Qu’est-ce qu’elle a de plus que moi, cette morue ? Vu son grand âge, elle a dû être mère maquerelle avant même que Marthe Richard ne soit née ! Allez, va la retrouver ! Rascasse-toi, pauvre thon !
A la longue, tant de suspicion rend le lapin marteau. Il sort en claquant la porte et retourne draguer dans les zoos troubles.
Faire rire
Comme je sautais du coq à l’âne, je tombai dans la poche d’une maman kangourou. Avant d’aller vivre sa vie, son petit avait vécu là. En farfouillant dans sa commode je trouvai ses vieux gants de boxe, un numéro de Playboy, un boomerang cassé sur lequel il avait écrit «reviens» et une photo de Georges Bush. A tout hasard, je pondis un œuf et j’attendis le photographe. Il arriva avec son appareil ancien, son voile noir et il dit : «Le petit oiseau va sortir !»
Alors je m’envolai. Je m’appelle Roucoucou Paloma et je suis un coucou.
Voilà pour entretenir la flamme littéraire et familiale. J’espère qu’il n’y a pas trop de crocodiles dans votre marigot et que vous nous reviendrez en pleine forme avec plein de belles photos à partager.
Bien affectueusement
Joe
P.J. Une photo prise à Rennes ce dimanche 4 avril 2010.
Au dos est écrit : « Le lapin de Pâques drague dans les zoos troubles ! ».