Article de journal...

Extrait du « Petit Rapporteur » du Decadi 30 Messidor de l’an 1795 de l’an 1795, édition lyonnaise

« Après la découverte hier soir, du cadavre de Monsieur Gonzague de Saint Preux, à son domicile lyonnais, la police a terminé son enquête.
Rappelons que son épouse, Madame Adélaïde de Saint Preux découvrit le corps inanimé à son retour de réunion du Cercle Plumitif dont elle est un des éminents piliers, au côté de son amie d’enfance Marie-Caroline Récamier.
Monsieur de Saint Preux gisait sur le tapis de jeux installé dans son fumoir au milieu des miniatures de trains dont il faisait collection, tenant encore à la main les débris d’une tasse de thé à l’aspect douteux.

Tout porte à croire qu’il y aurait eu lutte.
Un bouton de gilet fut d’ailleurs retrouvé sous la desserte.

Ce qui mit la puce à l’oreille de sa présentement veuve car Monsieur de Saint Preux ne portait jamais de gilet. Il refusait de s’habiller vulgairement comme tout un chacun et se faisait fabriquer des hauts en soie à la Croix Rousse, chez un tailleur qui lui en réservait l’exclusivité.
D'autre part, le défunt avait une sainte horreur du thé, il n’en buvait jamais, lui préférant de loin, cognac, armagnac et autres boissons liquorisées …

Et si ce thé-là sentait le cognac, il devait à sa couleur verte, contenir bien autre chose….

Adélaïde ( dont le nom d’emprunt dans sons cercle de plumes n’est pas pour rien : Colombo).alerta la police qui fit analyser le contenu de la tasse.
L’apothicaire y décela la formule suivante :

Abrus precatorius1 6 CH
Aconitum napellus 2O CH
Belladonna 16 CH
Calendula officinalis 16 CH
Chelidonium majus 16 CH
Viburnum opulus1 6 CH
aa 0,5 mg

La formule de ce remède homéopathique bien connu dans les contrées du sud pour venir à bout de taureaux en furie fut donc fatale à Monsieur de Saint Preux.
Le coupable devait être facilement repérable, les spécialistes en remèdes homéopathiques ne courant pas les rues.
Or, dans le Cercle des Plumes lyonnaises, l’un d’eux donna justement une conférence sur le sujet il y a 2 mois environ.
Il s’agit de François Fouquet, neveu de l’honorable Fouquet, fournisseur de la cour de Nicolas Ier.

Après enquête, il s’avéra qu’il manquait bien un bouton au gilet qu’il portait encore sur lui, bouton qui était précisément celui qui fut retrouvé dans l’appartement de Monsieur de Saint Preux.
Une autre pièce à conviction le perdit : un mouchoir brodé à son nom, orné d’un cœur et d’une plume fut également retrouvé sur les lieux du crime, sous la théière d’argent.

Le sieur Fouquet, totalement abasourdi, fut incapable de s’expliquer et se contenta de nier farouchement. Il refusa également d’expliquer la provenance du mouchoir qui restera à jamais une énigme.

On se perd en conjectures sur les mobiles de cet horrible forfait, la seule idée d’adultère doit être écartée.
Il était en effet de notoriété publique ( d’après son cercle de plumes ) que François Fouquet n’aimait pas les femmes.
Le préfet de police ordonna son arrestation immédiate, malgré les dénégations frénétiques du coupable, qui sera pendu haut et court dans les prochaines heures. »

Et voilà, il s'est fait avoir

Un p'tit gars amoureux et naïf contre une garce entraînée n'avait aucune chance