Imaginez un instant que notre chère statue de la liberté soit remodelée, la base solide comme un rocher, le haut, en papier mâché.
Combien de régimes politiques, de belles idées sociales, de révoltes populaires ne sont-ils pas profondément ancrés dans un terreau de bonnes intentions, d’équité, de fraternité, de liberté ? Dès l’instant où l’idée émerge, s’élève, se déploie, où elle gagne en puissance, elle perd en intégrité. La pierre solide se fendille imperceptiblement, la belle cohésion change de consistance jusqu’au jour où tout s’effrite immanquablement.
Il suffira d’un souffle d’idées nouvelles pour ébranler ses certitudes.
Il suffira d’un vent léger pour la décapiter de son ingéniosité.
Il suffira d’un raz de marée humaine pour lui faire boire la tasse.
Il suffira d’un vol bien ajusté pour la déchiqueter.
Alors, on essaiera encore de la réparer, de la recoller, de lui redonner une apparence soignée. Mais, en réalité, elle ne sera plus qu’un vulgaire gobelet à thé posé sur un semblant de bien-fondé. Son image apparaîtra en surimpression. Forte de son illusion passée, elle y sera debout, fière, sûre d’elle, arborant majestueusement le geste auguste tant aimé.
Mais ce jour-là, manque de bol, plus de liberté, plus de thé.