A ma grande confusion, j'ignorais l'existence de Rohinton Mistry. Jusqu'au jour où Catherine, une amie qui s'évertue à parfaire mes connaissances, me mit entre les mains ''L’Équilibre du monde'' écrit en 1995 par cet auteur canadien né à Bombay en 1952.
Image Google : Rohinton Mistry
J'ai lu courant juillet-août ce livre, en format ''poche'', sans éprouver le sentiment de longueur malgré ses 890 pages.
Ishvar et Omprakash, son neveu, désigné sous le raccourci de ''Om'', puis Dina, une veuve d'une quarantaine d'années, privilégiée par son statut de locataire d'un modeste appartement, Maneck l'étudiant, Shanka le cul-de-jatte exploité par le maitre des mendiants évoluent à leur corps défendant à Bombay, ville indienne où les castes se côtoient sans se mélanger.
Au fil des pages, la solidarité se noue entre les personnages pour dénouer les pièges incessants qui puisent leur origine dans la corruption de ceux qui possèdent une once de pouvoir, le tout se déroulant dans les années 1970 - 1980 en période d' état d'urgence proclamé par Indira Gandhi, premier Ministre.
Au titre de l'état d'urgence, Ishvar et Om sont embarqués d'autorité pour un camp de travail forcé d'où ils ne pourront s'extraire que par l'aide monnayée du maitre des mendiants. Ils retrouveront alors leurs machines à coudre dans l'appartement de Dina et poursuivront leur travail à façon, couture de vêtements divers pour la jeune veuve qui, pour vivre, sous-loue une pièce à Maneck, en toute illégalité, enfin selon le code fixé par le propriétaire de l'appartement qui n'apprécierait certainement pas la présence de Ishvar et Om, tailleurs.
La profession des protagonistes de ce roman s'inscrit dans la complexité de la société indienne qui, à ce moment-là, n'a pas totalement banni la pratique des castes qu'on ne peut transgresser, notamment pour les castes dites inférieures qui constituent les ''intouchables''.
Au fil des pages, on découvre de bien curieux personnages, tels le ''Facilitateur'' qui tente de gagner sa vie en incitant hommes et femmes à accepter l'opération ou le traitement qui contribuera efficacement à la limitation des naissances...
Il y a aussi Rajaram, le collecteur de cheveux qui assassinera deux mendiants pour s'accaparer leur chevelure...
A ce sujet, laissons s'exprimer le maitre des mendiants :
- Citation :
- -A présent, vous devez vraiment m'excuser, dit-il. Il faut que j'aille m'occuper de mes deux mendiants assassinés.
-La crémation aura lieu aujourd'hui ?
-Non ! C'est trop cher. Quant la morgue nous rendra les corps, je les vendrai à mon intermédiaire.
Devant leur air choqué (Ishvar, Om et Dina), il se sentit obligé de se justifier :
-Avec la montée des prix et l'inflation, je n'ai pas le choix. D'ailleurs, c'est bien mieux que de laisser les corps dans la rue, à la charge des employés municipaux comme dans l'ancien temps.
-Bien entendu, opina Dina, comme si acheter et vendre des cadavres était son lot quotidien. Et qu'est-ce que votre intermédiaire fait … des corps ?
-Il en vend à des universités pour des étudiants en médecine. … D'autres corps sont achetés par des pratiquants de magie noire. Et on exporte des kilos d'os. Pour les engrais, je suppose. Je peux me renseigner si ça vous intéresse.
Dina déclina l'offre ...
Cependant, l'émotion est présente tout au long de cet ouvrage, par exemple avec les chatons abandonnés par leur maman :
- Citation :
- - Regardez-les, disait Dina attendrie. Ils entrent et sortent comme si cette maison était un hôtel.
…
Quand les chats réapparaissaient, c'était la fête. S'il n'y avait rien de convenable à leur donner, Maneck et Om filaient au Vishram acheter du pain et du lait. Parfois les petites bêtes s'attardaient un peu après le repas, prêtes à jouer, s'escrimant sur les bouts de tissus tombés à côté des machines.
Je partage le point de vue exprimé en couverture : « Une œuvre de génie... Un roman où s'incarne toute la souffrance, l'absurdité mais aussi la beauté d'un pays. » (Literari Review)