Chacun son métier

Je travaille dans l'espoir et le courage et l'idée que tout est possible, mais mes résultats ne sont jamais certains car beaucoup dépend de ce que je ne contrôle pas. Je travaille avec ma tête, mes muscles, et mon coeur.

Mes journées sont longues, je commence à l'aube et je continue souvent après le coucher du soleil. Je suis mécanicien, architecte, vétérinaire, scientifique, charpentier, planneur, météorologiste et sage-femme tous à la fois, souvent dans la même journée. Parfois dans la même heure.

J'ai fait des études universitaires pour mon métier. Je me suis sérieusement endetté afin d'avoir ce qu'il fallait pour m'y lancer.

Parfois, lorsque je longe les longs rangs verts sortant du noir vers le bleu, je pense pour quelques secondes que je suis artiste autant qu'artisan, et heureusement, car je suis mal payé pour mon art, et très peu apprécié.

Mon boulot est salissant. Souvent, les gens qui ne se salissent pas en travaillant se croient supérieurs à moi. Si je ne dis rien, on me prend pour un idiot. Si je me prononce, on me prend pour un mal-luné. Tout le monde me croit riche, mais souvent, très souvent, je ne gagne pas ce qu'il faut pour faire mon boulot. On m'accuse d'empoisonner mon environnement, mais ce n'est pas vrai. On n'empoisonne pas la chose qu'on aime le mieux au monde ! La mémère du coin qui roule en grosse voiture et qui schpountze ses marguerites avec du Round-up met souvent autant sinon plus de poison dans l'atmosphère, la terre et l'eau.

Sans le savoir, toute personne sur la planète dépend de moi : ceux qui consomment mon produit, autant que ceux qui le transportent, qui le préparent, qui l'emballent, qui le vendent, qui l'assurent. Ceux qui me dénigrent aussi.

Sans moi, ils n'ont pas de travail. Sans moi, ils n'ont rien à manger.

Moi, je suis un agriculteur.