Ecoutez, je suis épuisée, je ne tiens plus debout. Voilà un mois que par votre faute je passe des nuits épouvantables.
Franchement, vous exagérez. Vous êtes sensé déranger les clients de l’hôtel, pas la femme de chambre.
Et maintenant que je m’installe pour une petite pause café, voilà que je découvre monsieur en train de lire le journal ! Et la tasse vide, vous allez me faire croire que vous avez bu un café aussi, peut-être ?
Non, mais regardez-vous, enfin ! Ne me dites pas que vous comprenez ce que vous lisez !
Alors que la bibliothèque regorge d’ouvrages anciens et vénérables, vous vous lancez dans la lecture des actualités financières. C’est honorable de vouloir vivre avec son temps, mais je vous trouve un peu décalé pour le coup !
Soyons clair, une fois pour toutes.
Vous habitez ce manoir depuis trois siècles, vous le hantez depuis deux siècles et demi.
Votre manoir est devenu un hôtel réputé, qui attire une clientèle très désireuse de vous rencontrer au hasard d’un couloir sombre.
L’existence ordinaire d’un fantôme ordinaire, en somme.
Mais là, c’est trop ! Le journal, le café, franchement vous vous rendez ridicule. Demain ce sera quoi ? Vous allez surfer sur le net et créer un profil facebook ?
Au point où nous en sommes, plus rien ne m’étonne !
Alors voilà, je vous l’annonce de but en blanc, si vous continuez vos pitreries, je quitte ce job.
Ce serait dommage, parce que la place est bonne et que finalement je vous aime bien. Mais je ne peux plus continuer ainsi, il faut trouver une solution.
Est-ce que vous vous ennuyez ? Ce serait compréhensible après tout, une éternité à effrayer des touristes doit finir par devenir lassant.
Faites-moi savoir ce qui vous tourmente, et surtout, surtout, laissez-moi dormir tranquillement !
Compris ?
Ah, zut, c’est vrai, vous ne pouvez pas parler !