Comme je vous sais curieux, vous vous demandez, sûrement, ce que je fais là, l’œil rivé au trou de cette serrure. Auriez-vous trouvé plus grande curieuse que vous ? Alors voilà, je vais vous expliquer.
J’étais sortie de bonne heure pour acheter mon pain, lorsque j’ai aperçu, depuis le bout de la rue, mon mari qui s’introduisait subrepticement par cette porte. Bien sûr, je me suis approchée pour comprendre ce qu’il faisait là. Oh, rassurez-vous ! Je n’étais pas poussée par une jalousie dévorante, d’autant plus que cette magnifique porte est celle de l’Evêché, non, seulement par une saine et légitime curiosité.
Il faut vous dire que mon mari est du genre « taiseux », comme dit une mienne amie québécoise. Il ne parle pratiquement jamais de ce qu’il fait à l’extérieur de notre foyer. Même au sujet de sa profession il est d’une discrétion exemplaire. « Dans les affaires il ne faut pas parler à tort et à travers », me dit-il quand je l’interroge. Tout ce que je sais, c’est qu’il voyage beaucoup. Un jour en Egypte, un autre au Brésil, récemment encore il se trouvait au Népal. Pour quels motifs ? Mystère ! « Les AFFAIRES… » constituent sa seule réponse.
Alors vous pensez bien que je n’allais pas manquer l’occasion d’en apprendre, peut-être, un peu plus…
Je me suis d’abord approchée prudemment et embusquée dans l’encoignure d’une porte cochère pour observer la suite des évènements…
D’abord il ne s’est rien passé et je me demandais vraiment ce que mon mari avait à faire en ces lieux. La religion n’a jamais été une priorité dans sa vie et l’Evêché pour traiter des affaires, parmi tous les lieux possibles, était le plus improbable.
Au bout d’une vingtaine de minutes, la porte s’est ouverte… Etait-ce lui qui ressortait ? Non ! C’était un autre homme. Celui-là, je ne l’avais jamais vu, autrement, je m’en serais souvenue. Très élégant, costume de coupe italienne tout à fait incongru dans notre petite ville, très pressé semblait-il. Il a rapidement disparu au coin de la rue.
Alors, ma curiosité décuplée, je me suis approchée de la porte et après m’être assurée que personne ne m’observait, j’ai collé mon œil contre le trou de la serrure…
D’abord, je n’ai rien vu. Il faisait très sombre à l’intérieur. Progressivement mon œil s’est habitué. J’avais vue sur le hall et sur la volée d’escaliers qui s’élevait vers les étages. Dans un coin, j’ai distingué une chaise. Quelqu’un était assis dessus qui se tortillait de manière curieuse. Comme s’il cherchait à se libérer de quelque entrave… des sons inarticulés me parvenaient… Soudain, de surprise, j’eus l’impression que mon œil allait sauter de son orbite: dans la forme qui s’agitait, là dans l’ombre, je venais de reconnaître… mon mari ! Étroitement ligoté et bâillonné, il tentait, mais en vain de se libérer.
Vous me direz ce que vous voudrez, mais devant ce spectacle, et avant de me précipiter à son secours, un doute m’a brusquement envahi l’esprit. Mon cher mari, ne mènerait-il pas une double vie ???????????