« Rohhh, tu as vu les nouveaux voisins ? Ils ont l'air bizarre ! Ils n’ont même pas attendu la fin des travaux pour emménager.
— Oh, arrête ! Ce n’est pas parce que tu t’appelles Agatha, qu’il faut voir du mystère partout !
— Quand même, tu trouves normal que depuis leur arrivée les volets restent obstinément clos ? Et cette grande malle en osier que j’ai vu descendre du camion…
— Je peux te dire tout de suite ce qu’il y a dedans : un cadavre ! Malle en osier égal cadavre, dans tout bon polar qui se respecte !
— Tu n’es pas drôle ! Je suis sûre qu’ils ont quelque chose à cacher…
— J’adore la façon dont tu démarres au quart de tour, c’est un véritable jeu d’enfant que de te faire enfourcher ton dada… Miss Agatha va mener l’enquête !
— Et tu vas m’aider bien sûr. Je te charge de t’introduire dans leur garage et de fouiner un peu.
— Et toi, où vas-tu traîner tes pelotes ?
— Je vais essayer d’entrer dans la maison. A la faveur de la nuit ce doit être facile pour une chatte aussi maline que moi…
— Et modeste !
— Allez, rendez-vous demain, même heure, même endroit ! »
Le lendemain :
« Alors ?
— Rien dans le garage ! Et toi ?
— Moi ? Rien non plus dans la maison… Tout semble normal…
— Pas possible ? Ton incroyable intuition serait-elle en défaut ?
— J’ai dit "dans la maison". Dans la cave… par contre … J’ai trouvé… un chien !
— Un chien ? On ne l’a jamais vu se promener avec ses maîtres.
— Un chiot plutôt, enfin pas un tout-petit, deux, trois mois. Terrorisé au fond de la panière en osier…
— Vivant ?
— Bien sûr, vivant, je te dis terrorisé, pas mort. Il n'avait même pas à boire, juste quelques croquettes pas fraîches. Et l’odeur, je ne te raconte pas ! J’en avais les moustaches toutes tirebouchonnées.
— L’odeur ?
— Rohhh, il faut tout lui expliquer ! Tu as dit toi-même que ce chien ne sortait pas.
— Ah ? Oui, oui, je vois ! Mais pourquoi gardent-ils leur chien, au fond d’une panière, dans la cave ?
— Réfléchis ! Ce n’est pas LEUR chien, ils ne le traiteraient pas aussi mal.
— Ils l’ont trouvé ? Non ?
— Ils l’ont VOLÉ !
— Ah, j’y suis ! Pour vendre sa peau !
— Mais NON, quelle horreur ! Quelque chose de moins sanglant, mais plus juteux si j’ose dire…
— Moins sanglant… plus juteux… J’avoue que je n’y comprends rien !
— Tu n’écoutes jamais les conversations, ni les infos régionales toi ? Tu ne sais pas que depuis quelques temps, sévit un gang de voleurs de chiens ? Et bien, ce sont nos nouveaux voisins ! Ces deux gars, que je trouve bizarres, repèrent un chien de race, le vole et demandent une rançon. Les maîtres, trop contents de retrouver leur animal, paient sans discuter et les deux gars déménagent et vont dans un autre quartier continuer à perpétrer leurs crimes.
— Je suis… sans voix… Et qu’est-ce qu’on va faire ?
— Qu’est-ce que J’AI fait, tu veux dire. J’ai fait basculer la panière sur le côté pour que Balto puisse en sortir…
— Balto ?
— Le chien ! Il avait son nom sur son collier ! Et puis je suis ressortie par le soupirail. Heureusement on y accède par quelques marches, autrement il n’aurait jamais pu me suivre : il est encore tout pataud, ce petit… Et voilà le travail !
— Et… où est-il maintenant ?
— Maintenant ? Je pense qu’il récupère…. Dans ta panière je crois… Il a trouvé tes croquettes plus appétissantes que celles de ces vauriens…
— Ma panière ? Mes croquettes ? Enfin, bon… c’est un cas exceptionnel et j’espère qu’il ne va pas s’incruster ici.
— Mais non ! Tu penses bien que ses maîtres le cherchent et ont signalé sa disparition. Les nôtres vont croire qu’un jeune chien égaré s’est réfugié chez eux, ils préviendront l’Association qui avertira les maîtres de Balto et tout rentrera dans l’ordre.
Ah, un petit détail encore… Je me suis arrangée pour que Balto renverse un pot de peinture verte en sautant par le soupirail. Il a les pattes un peu « colorées » maintenant. Mais, si ses maîtres sont malins, si la police daigne faire une enquête de voisinage autour des maisons encore en travaux, elle devrait remonter la piste et découvrir où le chien était retenu et par qui !
— Alors là, vraiment, je suis impressionné ! Comment fais-tu pour combiner tout ça ?
— Elémentaire, mon cher Watson ! »