Et la terre se mit à trembler

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Rappel du premier message :

Le début de cette histoire sans fin est composé de trois extraits, mis bout à bout, de
"Les enfants de la Terre" - Tome 1- de Jean Auel

La terre trembla de nouveau en se tassant et fit entendre un grondement au plus profond de ses entrailles, comme si elle était occupée à digérer un repas englouti trop précipitamment. Les berges détrempées n'offraient aucun abri contre les éléments déchaînés. Une nouvelle secousse, de plus grande amplitude que la précédente, ébranla la terre. Il fallait fuir ces lieux où la terre s'ouvrait pour vous engloutir. Mais où aller?

Kalé'reporter

Plusieurs jours ont passé, et il faut se rendre à l'évidence, le bébé ne va pas bien. Il semble dépérir de jour en jour.
La nuit, nous n'avons pas le droit de sortir de l'abri de branchages et de peaux de bêtes où nous sommes enfermés. Des gardiens veillent en permanence. Cependant, nous avons entendu des bruits sourds de martèlement, des mélopées à donner froid dans le dos, venant des Autres qui se sont rassemblés au milieu de l'espace commun, dans cette nuit sombre et sans Lune. J'ai aussi entendu le bébé crier, mais son cri a décliné lentement en une plainte difficile à entendre, comme s'il souffrait d'un mal étrange.

Est-ce que les Étrangers sont en train de préparer un culte secret à leurs Dieux ? Pour attirer des bienfaits ? Pour éviter leur colère ? Est-ce qu'ils n'auraient pas volé et préparé l'enfant pour un Sacrifice ? Est-ce qu'ils n'auraient pas pris mon sang en vue de ces préparatifs ? Est-ce qu'ils ne seraient pas sur le point d'exécuter l'horrible ?

J'ai ressenti un mal au creux de mon ventre que je n'arrive pas à définir clairement. Le même mal qu'il m'est arrivé de ressentir face à un danger contre lequel je me sentais impuissant, comme ce jour-là où je me suis retrouvé face à cet animal inconnu jusque-là, énorme, menaçant, et dont j'ai pensé qu'il allait me dévorer si je ne m'enfuyais pas immédiatement.
J'ai constaté que l'action pouvait me sauver de la peur.
Aussi je me suis dit que la seule solution était de forcer le Destin.

Kalé'reporter

Il m'appartenait de prendre l'initiative qui nous permettrait de rejoindre enfin les nôtres sans toutefois encourir le risque de l'échec qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses, notamment pour Enyâ et surtout le petit Naoum qui paraissait s'affaiblir de jour en jour.

Interrogée à ce sujet, Enyâ me rassura : volontairement, par l'ingestion de la plante qui fait dormir, elle provoquait la léthargie de Naoum qui, pensait-elle, intéresserait moins nos geôliers - ravisseurs s'il paraissait faible. De plus, si nous devions nous enfuir précipitamment, il n'attirerait pas l'attention par des cris inopportuns.

En catimini, je fis part de mon projet à Enyâ qui enrichit celui-ci de propositions fort sensées. Dans une anfractuosité de rocher, elle avait rassemblé quelques trésors, notamment des racines qu'elle ne connaissait pas en tant qu'aliment comestible. Très observatrice, observant les hommes qui décoraient si joliment les parois de la grotte, elle avait pu subtiliser un des petits sacs contenant les couleurs avec l'intention de l'offrir à Ancius qui saurait peut-être fabriquer des produits semblables. En tout cas, elle savait déjà qu'elle s'exercerait à dessiner sur les rochers de notre refuge ou ailleurs si nous devions à nouveau émigrer vers une contrée plus clémente.

Dans l'immédiat, pensait Enyâ, il fallait tenter de concentrer l'attention des « Autres » sur un évènement qui relâcherait leur surveillance. C'est alors qu'une idée commune nous anima : une nouvelle colère des éléments serait la bienvenue, mais la Nature ne répondant pas à nos injonctions, ne pouvions-nous pas amener nos gardiens et la totalité de la tribu à organiser une de ces cérémonies qu'ils prisaient particulièrement. Un large sourire illumina la face de Enyâ. Elle savait comment elle allait procéder...

**Maîtrise le sujet**

…. En effet, toute la tribu se préparait à un évènement : une naissance.
Très bientôt, une de leurs femmes mettrait au monde son enfant.

Enyâ m’apprit que si tout se déroulait bien, un rite sacré et très attendu aurait lieu.

Soudain, la vérité me sauta aux yeux. Je vivais parmi ces hommes et femmes depuis plusieurs croissants de lune et jamais je n’avais réellement remarqué à quel point les enfants étaient rares. Les quelques uns que j’avais aperçus vivaient protégés et entourés de beaucoup de soins et de nourriture.
Mais Enyâ savait tout cela, et beaucoup plus encore, depuis longtemps. Avait-elle compris parce qu’elle était une femme ? Sans doute. Quoi qu’il en soit, elle m’expliqua que le clan se mourrait peu à peu par manque de sang neuf.
Le rituel que j’avais subi lors de ma capture n’avait pour seul but que de s’approprier ma vie, ma force. Il en allait de même pour les animaux sauvages qui tombaient dans leurs filets.

La naissance prochaine serait donc une énorme joie, et c’est ce moment-là que nous devions choisir pour nous enfuir par le lac. En volant une de leurs étranges embarcations de troncs d’arbres attachés, nous pourrions filer en douce pendant la nuit. Nos traces seraient très difficiles à suivre.

Les gardiens ? Enyâ s’en occupait.
Les racines qui endormaient Naoum pouvaient également assommer un adulte, elle connaissait le secret de fabrication.

Kalé'reporter

Enfin arriva le jour tant attendu : le clan était tout à la préparation de la fête. Au lever du soleil, des cris nous avaient alertés ; douleurs de l'enfantement d'abord, puis vagissements salués par les cris d'allégresse des femmes présentes autour de l'heureuse maman, repris en cœur par les hommes dont on pouvait deviner sans peine qu'ils se réjouissaient à la perspective d'un festin et des danses interminables qui ne manqueraient pas de s'ensuivre...

Enyâ avait su convaincre le chef qu'elle était en capacité d'agrémenter la fête en accommodant le sanglier qu'ils avaient tué la veille. Elle demanda aux hommes de creuser un trou de plusieurs pieds de profondeur et de dimensions suffisantes pour déposer tout au fond le cochon sauvage, non sans avoir préparé un lit de pierres. Sur celles-ci, elle demanda qu'il soit entretenu un brasier conséquent jusqu'à ce que le soleil atteigne le zénith. Enyâ fit également préparer des barres pour couvrir le trou. Sur les pierres brulantes, elle fit déposer le sanglier vidé de ses entrailles ; recouvert des barres, elles-mêmes surplombées d'un tapis de terre, l'animal pourrait ainsi cuire à l'étouffée.

Elle conseilla aux femmes et aux enfants de cueillir des baies comestibles dont certaines entreraient dans la composition de la potion dont on ne saurait se passer un tel jour ! Méfiant, le chef avait exigé que je sois le premier à tâter du breuvage. Ce que je fis de bonne grâce, sachant qu'il faudrait être plus prudent quand Enyâ aurait ajouté un certain ingrédient ...

Son savoir-faire fit la conquête du clan, et plus particulièrement celle de Gorak, notre gardien. Une véritable sorcière, notre Enyâ ! Le cochon grillé était un véritable délice : on voyait hommes, femmes et enfants ronger avec délectation la moindre parcelle autour des os et tous s'agglutinaient comme des abeilles autour de la vasque contenant la potion magique qu'elle nous avait interdit d'approcher, Gorak et moi-même. Compatissante, elle aidait les hommes repus à s'allonger aux quatre coins de la clairière, leur déconseillant formellement de s'approcher de la rivière.

L'heure était enfin venue : tout le campement ronflait à qui mieux mieux, le radeau précaire était chargé de tout ce que nous avions pu chaparder, Naoum dormait du sommeil du juste. En silence, aidé de Gorak, je poussais l'embarcation vers le lit de la rivière...

Gorak et Enyâ, un couple se formait, Ancius devrait se faire une raison ! Je déplorais l'intransigeance d'Enyâ : j'eusse volontiers embarqué Noumaï dans notre fuite !

Modératrice

Noumaï ? Justement, maintenant que j’y repensais, je l’avais perdue de vue depuis le début des festivités. La dernière fois que je l’avais aperçue, penchée sur la couche de la femme qui venait d’enfanter elle prenait le bébé, sans doute pour lui donner les premiers soins… Ses longs cheveux blonds lui cachaient en partie le visage et je n’avais pas pu déchiffrer son expression. Joie devant une nouvelle vie ? Jalousie de ne pas être l’heureuse mère ?

Le radeau emporté par le fort courant dès qu’il eut atteint le milieu de la rivière, prenait de la vitesse… Nous traversions parfois de courtes zones de rapides. Gorak maniait la longue perche avec beaucoup d’aisance et je dois dire que je ne me débrouillais pas mal non plus. Il avait pourtant un avantage sur moi en ayant l’air de savoir où menait la rivière, ce qui n’était évidemment pas mon cas…

Le soleil descendait derrière les collines et il nous faudrait bientôt faire une halte car il n’était pas question de continuer dans l’obscurité au risque de heurter un rocher à moitié immergé ou de nous échouer lamentablement sur un banc de sable. Gorak me fit comprendre qu’il avait repéré au loin l’endroit idéal pour cet arrêt, en me montrant du doigt un coude de la rivière où les limons accumulés par le courant avaient façonné une accueillante petite plage. Je hochais la tête en signe d’assentiment. Si Enyâ émit une réserve, le bruit de l’eau, nous empêcha de l’entendre…

Tout en manœuvrant difficilement le radeau, j’essayais de me faire une idée plus précise de la configuration de la plage qui s’estompait maintenant dans la grisaille du crépuscule.
Il me sembla apercevoir, une silhouette debout sur le sable. Comme nous approchions rapidement, ses contours se précisèrent, c’était une femme et j’aurais reconnu entre mille ces longs cheveux blonds : Noumaï !
Enyâ poussa un cri : elle aussi l’avait identifiée !
Noumaï nous attendait là, au détour de la rivière… Elle tenait serrée contre elle, une sorte de paquet soigneusement enveloppé dans une peau de daim…
.....................

Kalé'reporter

Il dormait à poings fermés , rasséréné par les bras qui l'enserraient. Le comportement de Noumaï était celui d'une mère qu'elle n'était pourtant pas : le bébé, elle l'avait subtilisé auprès de sa génitrice endormie comme tout le reste du camp. Maintenant, elle avait besoin d'Enyâ qui pourrait donner le sein à Branag. Ainsi avait-elle décidé d'appeler le nouveau-né qui accentuait, bien malgré lui, la précarité de notre groupe de fugitifs.

Formions-nous désormais un nouveau clan ? Deux femmes, Enyâ et Noumaï, deux hommes, Gorak et moi-même Doraldo, et les deux petits, Naoum et Branag, cela suffisait-il pour assurer notre survie ? Les clans d'où nous étions issus n'allaient-ils pas se lancer à notre poursuite ? Si nous rallions l'un ou l'autre, quel sort nous serait réservé ?

Encore une fois, les femmes firent preuve de détermination et bon sens : la plage providentielle où nous avions échoué présentait un intérêt indéniable de par son accès difficile et par la végétation qui l'entourait. A n'en pas douter, les forets recelaient une faune intéressante susceptible d'assurer notre subsistance. Nous savions que la rivière contenait en son sein les poissons qui varieraient nos menus en toute saison. Enyâ et Noumaï nous ordonnèrent, à Gorak et moi, d'explorer les alentours afin d'y découvrir une niche de dimension suffisante le long de la falaise parallèle à la rivière. Elle serait notre demeure.

Orientée soleil couchant, une ouverture au milieu de la paroi rocheuse nous apparut propice pour nous accueillir. Il suffisait de dégager la terre et les pierres qui l'obstruaient en partie, arracher les touffes d'herbe et arbrisseaux qui eussent permis aux animaux indésirables de venir nous importuner. Plus tard, nous devrions installer un système amovible pour accéder à notre antre, juger du lieu le plus adéquat pour allumer l'indispensable feu qui ne devrait pas par sa fumée signaler notre présence à nos éventuels poursuivants.

Noumaï et Enyâ acquiescèrent avec enthousiasme à notre proposition, non sans nous faire comprendre qu'elles n'avaient pas quitté la brutalité de Faustus et les élucubrations d'Ancius pour nous obéir aveuglément, nous les mâles du clan Braoum, dénomination qu'elles venaient d'imaginer par contraction des noms de nos deux petits.

Il ne nous restait plus qu'à invoquer les Dieux pour nous préserver d'un nouveau caprice des éléments ou d'une agression de nos semblables que nous ne pourrions maitriser. Mais d'ores et déjà, une solidarité sans faille nous animait, et peut-être plus même notamment entre Gorak et Enyâ et Noumaï et Doraldo, moi -même en l'occurrence. Quant à Naoum et Branag, ils étaient comme la chair de notre chair...

**Maîtrise le sujet**

… Et ils grandirent ensemble tranquillement, jour après jour.
Le temps passa, fila, ponctué parfois de quelques alertes quand nous apercevions des radeaux qui descendaient le fleuve trop près de notre refuge.

Un beau jour, il fut néanmoins décidé de quitter cet endroit idyllique mais hélas dangereusement connu par quelques uns du clan d’Enyâ.

Après de nombreuses recherches, une plage tout aussi accueillante et bien cachée dans une anse de terre formée par un petit méandre paresseux de la rivière, nous sembla sûre.

C’est là que j’ai vécu depuis tout ce temps, auprès de Noumaï devenue depuis longtemps ma tendre compagne, Enyâ et Gorak.
Le clan s’est peu à peu agrandi, d’abord par l’arrivée de nos enfants à tous les quatre, puis par la venue d’autres adultes, rencontrés précautionneusement au hasard de nos explorations. Nous ne voulions pas reproduire la mésaventure qui nous avait tous conduits là.

Mais je suis vieux maintenant, je sens que mes forces me quittent. Mes amis les plus chers, mes anciens compagnons de fuite, m’entourent et me soutiennent chaque jour avant mon grand départ pour le monde inconnu.

Naoum et Branag sont là également. A ma grande joie, ils sont devenus forts, complémentaires, le clan les écoute et les respecte dans chacune de leurs décisions.
Naoum, qui a hérité du caractère rebelle et aventureux de sa mère, dirige le clan. Branag, lui, a trouvé sa place dans le monde spirituel et mystérieux, il est devenu chaman.
Un juste équilibre s’est créé, c’est bien ainsi.

Pour eux, pour nous, j’ai tenu à raconter notre histoire commune et mouvementée.

Elle sera retransmise encore et toujours. L’histoire d’un clan nouveau, l’histoire du clan Braoum.

FIN

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