Lyon, Sextidi 6 Floréal de l’an 1795
Monsieur Fouquet
Vous êtes tenace ! Une qualité sans doute prisée dans vos Baronnies mais pour moi cette ténacité frise l’outrecuidance.
Si je vous écris ce soir ce n’est pas pour entretenir une relation épistolaire avec vous mais bien pour mettre les choses au clair et vous faire part de tout mon agacement envers vous.
Que vous ayez donné mes initiales à un de vos lauriers me donne froid dans le dos. Que croyez-vous que je puisse penser de votre béate admiration pour moi ?
Tout ceci n’est pas le signe d’un esprit ouvert et éclairé. Or sachez, Monsieur Fouquet que tout nouveau venu dans notre cercle de plumes, outre d’être coopté par l’ensemble des membres, se doit de montrer un esprit critique, libre de toutes conventions. Ce qui ne semble manifestement pas être le cas chez vous.
Vous me semblez plus préoccupé à lire des journaux à fadaises et à vous repaitre des petits cancans de la vie privée de nos dirigeants. Voyons Monsieur Fouquet ! N’y a-t-il pas des choses plus importantes ?
Vous m’agacez mais votre ténacité est payante ! Comme vous serez sur la région à cette période, et afin de vous ouvrir l’esprit, je vous invite le Duodi 2 prairial à la première représentation du ballet Onéguine de John Cranko à Lyon. Un spectacle magnifique d’après le roman en vers de Pouchkine et sur une musique de Tchaïkovski.
Mais connaissez vous seulement Pouchkine et Tchaïkovski…
Je vous attendrai dans ma loge privée car je ne doute pas que vous acceptez mon invitation. Mais par pitié évitez de m’amener votre laurier pas plus que votre poème !
Marie Caroline Recamier